Les aventures de la baronne Immonde

À la découverte du village

Marin, âgé de 10 ans, et ses parents venaient d’emménager dans un petit village des Alpes-Maritimes dans le sud de la France. Ils avaient quitté la grande ville pour se rapprocher d’une tante richissime qu’ils n’avaient jamais rencontrée. Pourquoi avaient-ils fait cela ? Simplement parce que le père et la mère de Marin, deux sacrés filous avaient l’intention d’amadouer la vieille dame pour lui soutirer de l’argent.

Le lendemain de sa première nuit dans sa nouvelle maison, Marin, décida de sortir découvrir s’il y avait ici quelques ruines de châteaux. C’était un jeune garçon doux et rêveur, il avait toujours eu du mal à se faire des amis, mais aimait l’Histoire et les animaux. Ce jour-là, il ne trouva pas de château en ruines, mais un manoir qui semblait inhabité.

Au moment où il regardait à travers la grille de la gigantesque demeure, il fut surpris par un grand bruit derrière lui ! C’était une bande de jeunes enfants de son âge qui dérapaient avec leurs vélos sur la route en gravier.

« T’es le nouveau qui a emménagé hier – dit un garçon – on t’a vu arriver avec tes parents ! Comment tu t’appelles ?

—  Marin… 

— Cool ! Moi c’est Dylan, là il y a Agatha, Jeanne et Timothe, mais on l’appelle Tomy. Ce manoir c’est celui de la baronne immonde. On l’appelle comme ça parce qu’elle est si laide que si tu la regardes tu deviens laid à ton tour !

—  Elle habite ici et personne ne la voit jamais ? — s’inquiéta Marin.

—  En fait, on raconte qu’elle serait à l’étranger, dans un centre thermal pour essayer de la rendre moins laide. Bon, pourquoi tu es là toi ?

—  Ben… je crois que la Baronne immonde c’est la grande tante de mon père… 

—  Ouch ! Mais ça va, t’es pas trop laid toi, t’as jamais du la voir j’imagine !

—  Non et mes parents non plus, mais je les ai entendu dire qu’ils voudraient se rapprocher d’elle. Si elle n’est pas là, ils ne la verront pas… j’espère en tout cas… »

Marin, resta à regarder la grille, effrayé par ce que ses nouveaux amis venaient de lui raconter. Il se disait qu’il fallait à tout prix qu’il évite de rencontrer cette grande tante immonde.

— « Allé Marin, monte derrière, on va te montrer la région » conclut Dylan.  

L’arrivée de la baronne

Une semaine plus tard, tout le village fut réveillé par un bruit terrible. Ça ressemblait à un hélicoptère. Marin enfila promptement un pantalon et un sweat-shirt. Une fois dehors il trouva ses amis sur leurs vélos. 

—  « T’es au courant ? — demanda Dylan —   la baronne immonde est de retour ! On a juste vu un hélicoptère traverser le ciel et se diriger vers son manoir. »

Marin pâlit et lança un regard profond en direction du manoir. Il pensait à ce que ses amis avaient raconté et il fut envahi par la peur.

Dylan se mit à rire — « Hahaha, ça veut dire que toi t’es foutu ! Tu vas devenir sacrément laid et tu seras contagieux. Plus personne ne voudra trainer avec toi. Bonne chance ! »

La bande partit dans la direction opposée à toute allure en riant du malheur du pauvre Marin.

En rentrant chez lui, notre jeune ami trouva ses parents en cuisine en train de préparer des muffins. Lorsqu’il tenta en prendre un, sa mère lui retourna un coup de cuillère douloureux sur les doigts.

— « Ne touche pas à ça toi ! — cria la mère —  C’est pas pour toi que je me donne autant de mal. Nous sommes invités ce soir, tous les trois. 

—  Ma grande tante est de retour – ajouta son père – elle nous convie à souper, elle a écrit qu’elle rêvait de te rencontrer. Alors, fais-toi beau, mets-toi un peu de parfum et coiffe ces horribles cheveux que tu as sur la tête sinon je les coupe.

—  On ferait mieux de ne pas y aller… »  — dit Marin la voix tremblante.

Mais son père l’interrompit —  « Chut, on ne t’a pas demandé ton avis, disparais, va te préparer ».

Marin couru dans sa chambre et essaya de trouver une solution. Malheureusement, ses parents étaient intraitables. Il décida donc d’obéir, mais d’éviter à tout prix de croiser le regard de la vieille dame. Il pensait ainsi échapper à son sort.

Une visite au manoir

La nuit était tombée sur le village. Marin marchait en regardant ses chaussures. Il entendit la grille s’ouvrir, il vit le sol éclairé de lumière, monta quelques escaliers et « Ding Dong », sa mère venait de sonner. Le cœur de notre jeune ami battait si vite qu’il commença à transpirer. Et la porte s’ouvrit !

— « Muffin !!! Hahaha - chantèrent les parents en choeur.

— Bonjour, mes chers enfants — dit la baronne — oh comme c’est aimable ! Entrez, entrez. »

Marin continuait de fixer des yeux ses chaussures, luttant de tout son être pour ne pas regarder la curieuse baronne dont la réputation était si étonnante. Il était si concentré qu’il n’écoutait que d’une oreille ce qui se passait autour de lui. Les parents parlèrent beaucoup pour raconter leur arrivée au village et leur joie de rencontrer enfin une personne si importante pour la famille.

— « ….. Marin….. Marin… » Comme si on le tirait d’un rêve lointain, Marin entendit sa mère l’appeler. Il cessa tout mouvement. Dans sa tête, le jeune garçon se disait que s’il évitait de bouger, on finirait par l’oublier. 

— « Voyons Marin, qu’est-ce qui t’arrive ? — dit son père sèchement — Arrête de regarder tes pieds et embrasse ta tante ! » Les parents commençaient à s’énerver et Marin tirait sur son tee-shirt. Puis, il entendit la vieille dame partir soudain dans un fou rire et parla avec tendresse. 

— « Hahahaha, je sais exactement de quoi il s’agit ! C’est une légende absurde que les enfants se racontent aux quatre coins du monde. On dit que si je suis surnommée la baronne immonde, c’est parce que je suis dotée d’une telle laideur que ceux qui me regardent deviennent laids à leurs tours. J’aime cette légende, car elle me permet de faire des farces aux petits. »

Les parents étaient incroyablement gênés et Marin commençait à se poser des questions… — « ce serait une légende ? ».

— « Il ne s’agit pas d’un surnom, c’est mon nom de famille – dit la baronne amusée. En fait, celui de mon mari le baron Immonde. Hahaha. Marin, quand tu seras prêt tu pourras me regarder, je ne suis plus très jeune donc je ne peux pas te dire que je ne suis pas laide, mais je te promets que tu resteras le beau petit garçon que tu es, rien ne changera. 

— Non ne dites pas ça, chère tante vous êtes belle, très belle ! Marin, regarde comme elle est belle » – dirent les parents mal à l’aise. 

Évidemment, Marin n’entendait pas ses parents qui continuaient de se ridiculiser, mais il trouva la voix de la baronne incroyablement agréable. Alors, il décida de faire confiance à cette voix. De toute manière, il savait qu’il ne tiendrait jamais tout un repas en regardant le sol. Il leva les yeux. 

La baronne n’était pas du tout immonde, en fait, elle ressemblait à un mélange de gentille grand-mère et d’Indiana Jones… Une Lara Croft âgée, un peu plus dodue et bien moins sexy. L’idée fit rire Marin. Et il réalisa qu’il ne deviendrait pas laid.

— « Quel joli sourire et quels beaux yeux tu as - renchérit la baronne. On m’a dit que tu étais un passionné d’Histoire. Allons souper et je t’emmènerai visiter ma pièce préférée dans ce manoir, tu veux ? »

Marin et elle se dirigèrent vers la salle à manger. Le repas se déroula sans encombre, même si les parents manquèrent de subtilités dans les compliments qu’ils ne cessaient d’adresser à la baronne. Avant le dessert, la gentille tante proposa à Marin de la suivre à l’étage. 

Elle lui fit découvrir sa bibliothèque qui ressemblait à un petit cabinet des curiosités. Il y avait des masques baluba, des poupées hopis, des bracelets et des colliers papous, des estampes japonaises… Marin n’en croyait pas ses yeux, il était émerveillé et écoutait attentivement la baronne lui raconter ses folles aventures à travers le monde.

Elle avait participé à libérer des éléphants destinés aux touristes en Thaïlande. Elle lui parla d’anciennes guerres en Papouasie-Nouvelle-Guinée où les chefs s’affrontaient en se faisant des cadeaux. La victoire revenait au plus généreux. Quand elle avait 20 ans, la baronne avait ainsi aidé un chef papou à gagner grâce à un collier qu’elle avait ôté de son cou. Elle lui raconta l’histoire originelle du monde selon les Dogon du Mali, une termitière géante aurait mis la planète terre enceinte, créant ainsi la vie. Et elle lui fit entendre une musique polyphonique de Sardaigne où les voix de quatre hommes, si elles sont bien harmonisées, font naître une cinquième voix, invisible, qui serait selon leurs croyances, celle de la Vierge. On l’appelle la Quintina.

Marin, aurait pu rester à écouter sa vieille tante toute la nuit, mais il fallait rejoindre les parents qui avaient probablement terminé de manger les muffins. Ce soir là, le jeune garçon, rêva de lointaines contrées, des autres peuples et des autres traditions.

Les mauvais juges

Le lendemain, Marin décidait de partir à l’aventure pour explorer des coins du village qu’il ne connaissait pas. Chemin faisant, il se disait qu’il irait un jour lui aussi à la rencontre du monde et de ses merveilles. Il pensait à la diversité des peuples en réalisant combien cela pouvait être riche et fabuleux. Puis, il se mit à rire en repensant à la légende de la Baronne Immonde — « quelle histoire idiote – pensa-t-il – comment ai-je pu y croire! En plus, c’est stupide, beau ou laid, ce sont des critères superficiels qui nous font oublier de voir la beauté intérieure. Et puis, nous devrions aimer nos particularités parce qu’elles nous rendent uniques. Si on me demandait de choisir entre avoir une belle tête ou une tête bien remplie, je choisirais la tête bien remplie, c’est sûr ! ».

Sur le chemin du retour, il s’arrêta en voyant au loin la bande de Dylan. Ils firent demi-tour et crièrent — « Héééé, on espère que ça a été votre repas de laids ! Sois gentil et reste dans ton coin, on veut pas être contaminés ». Marin rétorqua — « attendez, c’est juste une légende, laissez-moi vous expliquer… » Mais ils avaient déjà disparu.

En arrivant chez lui, notre jeune ami pleura. Comme d’habitude, ses parents l’ignorèrent. Marin se sentait seul et rejeté. Pourtant, se disait-il, les récits de la baronne auraient tant à leur apporter, ils iraient ensemble chercher des aventures extraordinaires.

Les semaines s’écoulaient, Marin continuait d’être la risée de ses amis, mais il passait de plus en plus de temps avec la baronne. Elle lui narrait d’autres histoires, lui apprenait d’autres façons de vivre, lui racontait certaines drôleries des langues et lui montrait sur la carte les zones d’habitats d’animaux mal connus tels que le casoar géant, le narval ou le lli pika.

Marin eut l’idée d’envoyer une lettre à ses amis pour leur expliquer que la laideur contagieuse de la baronne Immonde était une légende, qu’il s’agissait de son nom de famille et non d’un adjectif pour la décrire. Il leur parla des voyages et de son envie de vivre des aventures avec eux. Mais il n’obtint aucune réponse et chaque fois qu’il les croisait, ceux-ci rebroussaient chemin en l’appelant « Marin l’immonde ».

« L’aventure nous attend »

Un jour, Marin arriva chez la baronne Immonde et découvrit dans le jardin, une gigantesque montgolfière en train de gonfler. Le spectacle était extraordinaire. Le jeune garçon courut voir sa tante pour lui demander ce qu’il se passait. Il la trouva le nez dans ses valises.

— « Des collègues universitaires et moi allons nous rejoindre en montgolfières dans la Cappadoce en Turquie – dit-elle toute émoustillée. Nous allons ensuite retrouver nos amis archéologues kurdes sur les hauts plateaux du mont Taurus pour chercher le trésor perdu d’Alexandre Le Grand. C’est excitant n’est-ce pas ? »

En se retournant la baronne trouva Marin silencieux et en pleurs. Il ne dit rien, mais elle avait bien compris qu’il ne voulait pas la voir partir. Le petit garçon s’approcha d’elle et s’agrippa de toutes ses forces à sa tante. Elle attendit un peu avant de poursuivre.

— « Marin… Tu ne m’as pas laissé finir. J’ai parlé avec tes parents, ils vont s’installer ici au manoir et en hériteront un jour, je pense que c’est ce qu’ils voulaient tirer de moi. Mais en échange, je leur ai demandé si je pouvais t’emmener avec moi. Si tu es d’accord bien sûr ».

Marin n’en croyait pas ses oreilles ! Il se mit à pleurer de plus belle, mais cette fois c’était des larmes de joie. Évidemment, il acquiesça à la baronne qui lui dit d’aller vite faire son sac. Notre futur voyageur couru chez lui !

Sur la route, il vit la bande de Dylan qui chantait — « Marin l’Immonde, Marin l’Immonde ». Le jeune garçon fut amusé par les moqueries et il se contenta de leur lancer un salut de la main pour leur dire au revoir. En rentrant chez lui, il trouva ses parents occupés à préparer leur emménagement dans le manoir, bien heureux de leur nouveau statut social.

Sa petite valise prête, Marin monta à bord de la nacelle de la montgolfière. Le foyer faisait énormément de bruit, si bien qu’il n’entendait même pas les consignes du pilote. Le ballon se souleva et ils décollèrent du sol. Marin regarda le village d’en haut, les toits en ardoise, sa maison. Et il vit Dylan  et ses amis, toujours sur leurs vélos. Ils criaient en faisant de grands gestes — « wow, mais alors, c’était vraiment une légende? Où vas-tu ? Marin, Marin! ».

La baronne caressait les cheveux de son petit neveu avec une tendresse infinie et elle lui dit — « Tu es prêt Marin ? L’aventure nous attend ! »

FIN  

 

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