Voulez-vous une démonstration de comment le téléphone portable a changé nos façons de communiquer? Cela a transformé nos rapports sociaux, notre manière d’être en société et nos attentes envers les autres. Nous sommes devenus exigeants et par là même, nous sommes esclaves de ces exigences. Laissez-moi vous parler de l’évolution des technologies, pour mieux réaliser l’impact de nos pratiques en tant que parents et mieux comprendre nos enfants.
L’histoire passionnante du téléphone portable : des débuts sexistes, aux « ordinateurs pour tous! »
Au départ, le téléphone portable avait une cible : l’homme d’affaires (40 – 60 ans qui a les moyens). Sa création venait à point nommé pour accompagner la grande mobilité des hommes souvent représentés en costard dans les publicités de l’époque (90’s bonjour!).
Puis, l’industrie téléphonique décida d’agrandir sa clientèle en ciblant les femmes au foyer. Désormais, l’argument visait à jouer sur les inquiétudes et les peurs, car le portable devenait un moyen de contacter les secours et d’être joignable en cas d’urgence. Il fut aussi représenté comme un outil « d’émancipation » de la femme qui pouvait dorénavant sortir de sa cuisine en restant disponible. OUCH!
Mais rapidement, on commença à promouvoir cette technologie auprès de tout le monde sans distinction. Ainsi, il devint un moyen de se libérer, de « voler » (littéralement, car certaines publicités montraient des individus décoller du sol), finalement de ne plus être attaché par un fil… de téléphone !
S’en suivit un matraquage publicitaire pour viser les jeunes, de plus en plus tôt. Le marché n’a jamais de limites.
Puis il y eut un twist intéressant ! L’avenir nous semblait se diriger vers le minimalisme, des appareils microscopiques, mais c’est tout l’inverse qui se produit ! On y ajouta tant de fonctionnalités que téléphone devint ordinateur et tandis que le premier grossissait encore et encore, le second diminuait pour tenir dans la main.
Aujourd’hui, il vise jusqu’à nos bébés par le biais des jeux, des skypes et autres app. Ils remplacent le cahier des élèves en classe et deviennent un moyen de contrer l’ennui en voiture ou au restaurant. Dans les publicités, les mobiles sont un moyen de dépasser la Nature, finalement d’être dénaturés pour accéder à une sorte de « stade supérieur » quasi ésotérique qui est le reflet de la réussite sociale due aux technologies.
La dictature de l’instantanéité
Si je remonte si loin dans l’arrivée du téléphone portable, c’est parce qu’il a très vite instauré une nouvelle manière de communiquer. La « liberté » d’être contacté n’importe où et n’importe quand, impose une disponibilité constante et immédiate. Nous sommes collectivement devenus exigent « pourquoi tu réponds pas ? »… Les SMS ont renforcé cet état dictatorial de la joignabilité « si tu ne peux pas parler parce que t’es au cinéma, tu peux quand même écrire ».
Puis, il y a eu l’arrivée des réseaux sociaux sur les téléphones intelligents. Avec eux, se sont ajoutés des moyens supplémentaires d’être contactés, multipliant les médias de communication. Un seul de ces réseaux sociaux peut contenir au moins 3 façons d’être rejoint (Exemple : sur Facebook il y a Messenger, les tags ou les commentaires).
L’instantanéité a trouvé son paroxysme avec les « vu à 3 h 20 », c’est-à-dire que l’on est informé si notre correspondant a vu notre message, réveillant en nous cette considération : « s’il a eu le temps de le lire, il a donc le temps de répondre ». Nous sommes devenus despotiques !
Les courriels quant à eux ont instauré des barrières floues avec le cadre professionnel qui empiète entièrement sur la sphère privée. Cette nouveauté a changé la manière de travailler.
Cette relation d’urgence à recevoir et répondre a conduit à un empressement à émettre un message initial. Ainsi, on communique toute sorte d’informations sur le vif, même si cela peut attendre et même si nous n’avons pas pris le temps d’y réfléchir. C’est la fin de l’introspection.
Le paradoxe de la disponibilité
Cet assujettissement à la communication telle que nous la connaissons est paradoxal. Accrochés à nos téléphones, esclaves des petits « bips » et autres sonneries, nous sommes disponibles pour ceux qui ne sont pas là et devenons indisponibles pour les personnes présentes. Notre état de connexion permanente crée une déconnexion avec nos enfants, nos amis, notre famille…
Vous est-il déjà arrivé de discuter sur Messenger avec un(e) ami(e) qui vous fait soudain rire, alors une personne présente physiquement vous demande ce qui vous fait rire et vous n’avez pas envie de lui répondre parce que c’est personnel ? Voilà, nos émotions s’expriment pour ceux qui ne le voient pas et restent un mystère pour ceux qui sont là.
Et à force de communiquer, vient le silence
Les nouveaux moyens de communiquer passent beaucoup par l’écrit. On devient de plus en plus intolérants envers les bruits… comme les rires d’enfants. Nous donnons à nos petits des tablettes ou des téléphones pour qu’ils se taisent. La communication se fait en silence.
D’ailleurs, les jeunes générations ne s’appellent plus, ils ne s’écrivent même plus directement, ils prennent des photos et « réagissent ». On ne demande plus de nouvelles de nos amis en vacances puisque tout est montré sur Instagram. Les commentaires sont des signes et non des mots. On like. On répond en emojis.
Conclusion
Il m’est impossible de faire le tour du sujet, mais j’ai exprimé autant que possible ce que j’observe de la communication. Chacun est invité à en faire ce qu’il souhaite, selon ses critères, ses désirs, ses attentes. Je veux que nous nous donnions le droit d’éteindre nos appareils, de laisser nos enfants faire du bruit ou de s’ennuyer et que nous nous fichions davantage de répondre au moindre « Ding! »
Et à mes amis qui me lisent, lorsque vous mettez du temps à me répondre, arrêtez de vous excuser ! Je vous aime mieux ainsi. 😉